Tim Izzo @5ika.ch

13.11.21

Vers l'Internet de demain

Commençons avec une vérité établie: notre utilisation actuelle de l’informatique et d’Internet engendre une consommation énergétique démentielle et bien supérieure à ce que les ressources de notre planète peuvent satisfaire.

Dans ce domaine, l’Histoire récente nous montre deux choses :

D’un point de vue un peu fataliste, nous ne pouvons lutter contre cela car Internet fait écho à notre besoin humain primitif de lien social. Pire que cela, les réseaux sociaux sont devenus le moyen principal de répondre à ce besoin pour une bonne partie de la planète. Essayez de vous débrancher pendant quelques semaines de toutes les plateformes sociales en ligne et vous verrez que cela donne un sentiment de solitude, de mise à l’écart. L’impression de lutter contre son instinct.

Parallèlement à cela, Internet (et l’informatique de manière générale) repose sur l’électronique elle même nécessitant l’usage de l’électricité, une source d’énergie artificielle (dans la manière dont on s’en sert). Ainsi, il est absolument impossible d’obtenir un Internet avec une empreinte écologique nulle, quoique l’on fasse.

Considérant cela, comment peut-on utiliser Internet sans accentuer les pressions écologiques que nous faisons peser sur notre planète ? Est-ce que la seule solution n’est-elle pas de cesser d’utiliser Internet et de repenser nos vies en profondeur au plus vite ?

Je ne pense pas qu’il faille, ni même que ce soit possible, que l’on se passe aujourd’hui d’Internet. Nous en avons besoin. C’est devenu une nécessité pour nos vies et on ne peut revenir en arrière. Mais je pense que l’on peut changer notre conception et notre utilisation d’Internet vers plus de sobriété énergétique.

Nous avons tendance à l’oublier, pris entre les milliers d’applications que l’on utilise, mais Internet est avant tout un outil. Il existe parce que l’on a besoin de lui, il nous est utile. On ne vit pas pour créer Internet, on crée Internet pour pouvoir faciliter nos vies. Et son utilité est qu’il nous permet de communiquer entre humains, d’échanger de l’information.

Aujourd’hui, cet notion d’outil a muté vers une utilité qui serait plutôt “faire en sorte que des entreprises puissent se faire de l’argent en atteignant chaque humain”. Mais à titre individuel, en tant qu’humain, a-t-on vraiment besoin que l’on nous indique ce que l’on veut acheter? ce que l’on doit liker? avec qui l’on doit communiquer? comment les personnes célèbres vivent leur vie? comment les chats sont trop mignons ?

Dans la réalité des choses, plutôt non. Une majorité de ce que l’on échange sur le Web est destiné à des humains qui sont géographiquement proches de nous: communiquer avec ses proches ou ses amis, chercher des informations sur une manifestation, réserver un restaurant ou une place de ciné, partager des photos, des articles…

Pourtant, avec les applications et services en ligne que nous utilisons chaque jour, les données transitent à travers des macro-noeuds à l’autre bout du globe qui concentrent tout le trafic et le redistribue (Google, Facebook,…). Quand vous envoyez un message à votre voisin par Whatsapp, le message passent par un certains nombre de routeurs jusqu’à atteindre un serveur aux États-unis pour être traité puis refais le chemin en sens inverse jusqu’à l’ordinateur de votre voisin. Au passage, le message s’alourdit d’un peu de publicité et de scripts analysant votre utilisation du service.

Pourquoi ne pas lui envoyer directement ? Pourquoi consommer une grande quantité d’énergie pour faire un aller-retour à travers le monde plutôt que de prendre le chemin le plus court sur le réseau vers votre voisin ?

Si on considère qu’Internet est un outil pour échanger essentiellement des données avec des gens géographiquement proches de nous et de temps en temps des gens plus éloignés, nous pourrions considérer un Internet différent:

Depuis maintenant 30 ans, dans la quasi-totalité des pays du monde, nous avons des équipements de télécommunication puissants capables de relayer des messages efficacement. Une connexion WiFi ou Bluetooth peut transmettre des messages entre deux systèmes distants d’une centaine de mètres et on a déjà ce qu’il faut dans nos téléphones. Il y a également les réseaux LoRaWAN, maintenant présents un peu partout et dédiés à l’Internet des Objets, qui permettent de transmettre des (petits) messages sur des dizaines de kilomètres. Les réseaux cellulaires (2G, 3G, 4G,…) correspondent aussi à des systèmes de télécommunications omniprésents et déjà compatibles avec ce que l’on a dans la poche.

En se basant sur les réseaux déjà existants proposés par nos fournisseurs d’accès Internet, il existe aujourd’hui un nombre croissants de technologies et de protocoles nous permettant de nous affranchir des macro-noeuds et retrouver le fonctionnement d’Internet tel qu’il a été pensé il y a plus de 30 ans. La condition pour que cet Internet neutre et décentralisé puisse prendre sa place dépend de chaque utilisateur: si vous utilisez un service centralisé comme Facebook ou Google, alors ce service (et l’entreprise derrière) gagne en puissance. Mais si vous utilisez des technologies décentralisées voir distribuées alors vous donner de la puissance à ces alternatives et vous participez à la mise en place de l’Internet de demain.