Tim Izzo @5ika.ch

19.09.22

Confort et stabilité

À 25 ans, j’ai eu la chance de rejoindre une équipe de 5 personnes avec qui j’ai monté une entreprise de développement informatique. En se basant sur une courte expérience de lancement d’application raté, nous avons décidé que nous voulions profiter du caractère multi-compétent de notre équipe pour gagner nos vies. C’est donc en août 2016 que nous avons lancé Octree, à l’origine une boîte de développement de sites Web sur mesure.

Étant toujours en Master, j’ai vu là une manière douce d’attaquer le monde du travail. Le fait de travailler dans ma propre entreprise m’a toujours séduit sans trop savoir pourquoi, probablement à cause du semblant de facilité que cela montre: pas de patron, pas besoin de chercher un job, grande liberté, possibilité de s’enrichir rapidement sans trop d’effort si les choses marchent. Évidemment, a posteriori, j’ai bien eu le temps de me rendre compte que tout ça n’était que des apparences.

Après 3 ans de recherche de croissance et de stabilité, Octree a subi une grosse crise et perdu beaucoup de plumes. Nous sommes passés de 10 personnes à 4, tous à des taux de travail partiels pour pouvoir maintenir la boîte sous assistance respiratoire.

De mon côté, j’ai débuté mon activité d’indépendant début 2020, en plein Covid. L’idée était de pouvoir appliquer l’ensemble de mes compétences techniques. Même si je peux dire aujourd’hui que cela fonctionne, j’ai clairement négligé les capacités nécessaires en matière de prospection.

Côté Octree, la crise a été révélatrice et a lancé beaucoup de questions: avec qui nous voulons collaborer ? Pour quels clients ? Que défendons-nous ? Qui sommes-nous ? Quel avenir pour la boîte ?

Notre gouvernance en Holacracy, fraîchement instaurée juste avant la crise, nous a apporté les clés pour avancer sur ces questions. Le passage à l’Holacracy nous a amené à nous fixer une raison d’être, c’est-à-dire une formulation concrète de ce que nous souhaitons poursuivre, le pourquoi de notre travail. À quatre, nous avons pris cela plus au sérieux qu’alors et avons établi la raison d’être suivante, qui nous guide toujours: Créer un cercle vertueux entre la société et la technologie au profit de l’Humain.

Poussés par cette raison d’être, nous avons ainsi passé 3 ans à reconstruire Octree pas après pas. Lentement mais sûrement. Nous avons engagé des personnes en phase avec notre culture d’entreprise de plus en plus affirmée et nous avons embrassé pleinement l’Holacracy et son potentiel.

Aujourd’hui, les projets que nous développons n’ont rien à voir avec ceux des débuts. Nous travaillons avec des entités publiques comme l’État de Genève, la ville de Lausanne. Nous accompagnons des communes et des entreprises genevoises vers la transition numérique avec R-21 et poussons nos propres applications comme Caroster.

Nous sommes fiers de ce que nous faisons et de part les choix que l’équipe d’Octree a fait ces dernières années, nous nous sommes distingués des entreprises conventionnelles:

Mais cela n’est pas “tout facile” comme le jeune moi pouvait le penser 6 ans plus tôt. Ces choix entraînent des renoncements:

Ainsi, régulièrement j’en reviens à me poser ces questions: Est-ce que c’est ce que je veux ? Est-ce que je n’aspire pas à plus de stabilité et de confort financier ? Est-ce que le choix de la facilité n’est pas finalement le bon choix ?

À chaque fois, la réponse est aisée: Non.

Non car le salaire n’est qu’une partie de ce que l’entreprise offre à ses employé-e-s. Octree, comme les autres boîtes auto-gouvernées, offre tout un panel de choses qui ne seraient pas possibles dans une entreprise conventionnelle: je fais un travail qui a du sens, je prends moi-même les décisions qui concernent mon travail, j’ai la possibilité d’adapter ma place au sein de l’entreprise, je peux voir les effets de mon travail et j’en récupère les fruits de manière équitable. Je travail avec des personnes passionnées, qui veulent s’impliquer et en qui j’ai confiance.

Non car même si je cogite continuellement sur des projets, c’est avant tout parce que je suis passionné par ce que je fais et j’ai du plaisir à réfléchir quand mes pensées sont maîtrisées. Je cherche constamment comment améliorer les choses, les processus, le code, la qualité du produit, etc..

Non car nous développons des projets qui ont du sens et qui répondent à un besoin réel plutôt qu’à vendre et faire du chiffre. Si un produit est pertinent et est développé correctement, il peut devenir un vrai outil et a peu de chance d’être avorté.

Non car je crois à la puissance de la communication et de la confiance. Dans les entreprises conventionnelles, si vous ne faites pas du bon travail ou si vous ne faites pas vos 8h par jour, vous pouvez être viré. Quand votre supérieur-e vous demande quelque chose, vous devez le faire, même si vous trouvez cela stupide ou n’êtes pas d’accord. On vous engage pour un job fixe correspondant à un cahier des charges et vous êtes cadrés dans ce que vous pouvez apporter à l’entreprise et ce qu’elle peut vous donner en retour. Vous voulez faire plus ? Vous voulez faire mieux ? Non, vous remplissez votre cahier des charges ou vous partez.

Renoncer aux quatre points évoqués plus haut n’est pas un problème car il y a bien plus à gagner. Les obligations de la vie et la pression sociale me ramènent toujours à ce choix et c’est avec fierté que je continue à créer les choses plutôt qu’à les subir.



Publication précédente: Déconnexion 18.05.22